Lettre 7 : encore quelques illusions

Publié le par mademoiselleinopinee

Tu objectes que personne ne détient la vérité car personne ne peut la comprendre totalement, même via le jugement d'existence qui, de toute façon, se trouve posé par une personne particulière, différente de telle autre, ce qui a forcément des conséquences sur ce jugement d'existence et le relativise.

 

Je crois que tu n'as pas encore parfaitement vu ce qu'est le jugement d'existence, qui vise l'être d'une réalité, non pas la perception qu'on en a.

 

Imaginons qu'au cours d'une promenade tu aperçoives une maison avec un sapin planté pas loin, sur sa droite, puis tu fais le tour complet de la maison et tu te rends compte que pendant que tu avais le dos tourné le sapin en a profité pour changer de place : il n'est plus à droite mais à gauche. Est-ce le sapin qui a changé de place ? Non, c'est toi. Par conséquent le fait que le sapin soit à gauche ou à droite de la maison est lié au point de vue géographique depuis lequel tu regardes, selon la logique d'analyse que fait ton intelligence depuis ce point de vue. Peut-on dire pour autant que dans l'ordre de l'être la réalité de la maison et du sapin soit relative ? Non, l'être n'est ni à gauche ni à droite : il est ! C'est donc l'expérience de la réalité qui est relative à la réalité, non pas la réalité qui est relative à l'expérience. Ainsi tu as raison de dire que personne ne peut percevoir le sapin simultanément à gauche et à droite de la maison, ni le connaître sous toutes ses épines en même temps, mais la réalité de sa pleine existence ne s'en trouve pas changée pour autant.

 

Cet exemple illustre comment la perception liée à une situation géographique peut voiler le cœur de la réalité. Ici la connaissance se fonde sur une réalité, la maison et le sapin, mais d'une part l'expérience de cette réalité est forcément partielle car liée au point de vue adopté et d'autre part il y a toujours ce danger de confondre ou d'identifier la connaissance expérimentale d'une réalité avec cette réalité même, décrétant par exemple que le sapin est absolument à gauche, et s'opposant ainsi indéfiniment au voisin d'en face qui jurera très sincèrement de son côté qu'il est absolument à droite, les deux comparses oubliant d'atteindre ce qui est en tant qu'il est, car répétons-le sans craindre d'énoncer une lapalissade : l'être n'est ni à droite ni à gauche, il est. Il arrive pourtant que dans certains cas, pour assurer la fameuse tolérance, on décrète que l'être n'est pas, afin de maintenir la convivialité des rapports sociaux… En effet, étant donné que pour celui-ci il est à gauche et pour celui-là à droite, c'est qu'il doit être un peu à gauche et un peu à droite, donc il n'est pas…

 

Pourtant avec le jugement d'existence, "ceci est", nous sommes au point de départ de la métaphysique et tout ce qui lui est antérieur souligne son importance capitale.

 

Lorsque je déclare "Inopinée lit ce texte", cela signifie que tu es dans cet état particulier qu'on appelle la lecture, ou acte de lire, mais on prétend généralement que le verbe "être" n'ajoute rien. On oublie que tous les verbes impliquent le verbe "être", car tout verbe conjugué est la contraction du verbe "être" juxtaposé au participe présent de ce verbe. Ainsi dire "Inopinée lit ce texte" implique et signifie "Inopinée est lisant ce texte", autrement dit tu es avant de lire ! Par conséquent le verbe "être" se trouve dans les modalités de tous les verbes : tu travailles, tu aimes, tu coopères… tu es [travaillant], tu es [aimant], tu es [coopérant].

 

Or tu existes dans le devenir en vivant, et même mieux, ta manière de devenir la plus parfaite c'est ta vie, ce qui revient à constater que ta vie, telle que tu l'expérimentes, est sans cesse en devenir. C'est là que réside la tentation de l'évolutionnisme, le fameux "tout coule". Pourtant, l'au-delà du devenir et de la manière de vivre dans le devenir, c'est l'être. Par exemple si je constate que tu réfléchis, cela implique le devenir puisque sitôt que tu réfléchis, tu penses déjà à autre chose, et pourtant c'est toujours toi, le devenir n'altérant en rien ton être fondamental : tu es, même si tu deviens en permanence, car au-delà du devenir ton être demeure.

 

Je me permets d'insister car tant qu'on n'a pas vu ça on reste dans la logique et le langage, l'intelligence n'atteignant jamais ce qui est, elle qui pourtant est essentiellement faite pour ça. Affamée comme elle est, l'intelligence finit même parfois par se persuader de son inutilité puisqu'on la prive de ce dont elle a réellement besoin. Elle cherche, elle cherche, et comme elle ne trouve rien de consistant à se mettre sous le neurone, elle se demande ce qu'elle fait là !

 

On n'est jamais trop attentif aux cinq dépassements des cinq expériences, travail, amitié, coopération, matière (ou devenir) et vivant, car si l'on ne cherche pas le vrai pour lui-même, on s'arrête obligatoirement à l'une de ces cinq expériences.

 

Enfin il y a un sixième obstacle à franchir qui est le point de vue de la logique, à savoir l'être de raison dont on parlait et qu'on a une fâcheuse tendance à substituer à l'être. Ceux qui sont plantés dans ce sixième panneau considèrent le verbe "être" comme une "copule"… Je ne blague pas, Mademoiselle Ino, c'est comme ça qu'ils l'appellent ! Pour eux le verbe "être" est une sorte de point de colle entre "Inopinée" et "intelligente", autrement dit ce qui soude le sujet "Inopinée" à l'adjectif "intelligente".

 

C'est beaucoup plus que ça "est" ! Le verbe "être" est complètement au-delà de la logique et c'est même précisément parce qu'il ne signifie rien qu'on lui dit "Eh bien tu feras pot de colle pour te rendre utile !"… Le verbe "être" n'a pas de signification formelle, pas de quiddité (c'est le terme qui désigne la signification essentielle d'une réalité), et la plupart des intelligences, restant exclusivement liées à la raison, sont perdues devant lui car elles assistent à la mort de la logique, donc à leur propre mort, en tout cas c'est ce dont elles ont l'impression puisqu'elles regardent la logique comme un sommet, et alors pour punir le verbe "être" elles le traitent de copule… Tu comprends, Ino ? La logique demeure au niveau de l'universel, donc au niveau du quidditatif, alors que l'être n'a pas de quiddité, comme le genre, la différence spécifique, l'espèce, la propriété et l'accident, et si je vais au-delà de ces cinq prédicables, la logique n'a plus rien à dire, donc elle boude et se venge en décrétant que l'être est une copule. Dès lors tu comprends mieux pourquoi je dis qu'il n'y a pas cinq, mais six obstacles à passer avant de saisir dans toute sa force le jugement d'existence : Ceci est. Il faut aller au-delà de l'expérience du travail, de l'amitié, de la coopération, de la matière, du vivant et de la logique. Est-ce que cela ne fera pas trop ? En tout cas ne t'inquiète pas pour l'universel et les prédicables, nous serons amenés à y revenir de près...

 

Il faut du temps, Ino, pour vraiment saisir le jugement d'existence, parfois des années, mais après ça reste pour la vie, on n'est plus pareil et on ne se fait plus avoir parce que l'intelligence est née. Innombrables sont ceux qui restent plantés devant l'un ou l'autre de ces six obstacles et n'entrent jamais en métaphysique. Leur intelligence piétine et reste asservie à l'émotion, à l'affectif, à la politique, à l'histoire, au devenir, au ressenti, aux mots, à la logique, aux mathématiques… Ce sont de terribles esclavages qu'accentue encore notre culture moderne, noyée d'une part dans les images et les manifestations, d'autre part dans la logique, et enfonçant toujours plus les esprits dans la représentation et la subjectivité transcendantale. Or personne ne peut ni se figurer ni conceptualiser l'être !

 

Une fois que les six voiles sont levés, on découvre "Ceci est" et on constate un fait tout simple, c'est que ce jugement d'existence implique qu'il y a quelque chose ou quelqu'un, mais attention, quand je dis "il y a" je mets l'accent sur le "Ceci" de "Ceci est"… Nous allons écarter une toute dernière illusion. Le premier ayant transformé "Ceci est" en "Ceci" c'est Occam (1290 - 1349) et on retrouve la même réduction chez Martin Heidegger (1889 - 1976), en allemand "Es gibt", autrement dit "Il y a", ou encore le "fait" au sens du scientifique, du juriste ou du policier établissant un constat à partir d'une réalité mesurable. Un agent de la force de l'ordre ne pose pas de jugement d'existence lorsqu'il constate une infraction ou un accident ! Non, il prend des notes et des photos, s'intéresse éventuellement à la casse, évalue les dégâts et estime le coût des pertes humaines et matérielles. Ici le jugement d'existence est pris dans sa matérialité et on retient seulement le donné, restant en quelque sorte au seuil du fait existant. C'est un septième obstacle, interne au jugement d'existence lui-même... Mais Mademoiselle Inopinée ! si je t'avais annoncé sept obstacles d'un coup ça t'aurait découragée !

 

Tu sais, ce dernier voile fait mieux comprendre pourquoi il faut parler du "jugement" d'existence et non pas du "constat", un "constat" risquant toujours de s'arrêter au vécu. Dans "Ceci est", le "Ceci" peut être la vache, Maurice ou le chat, et donc "Ceci" recouvre n'importe quoi, y compris toi ou moi, mais ce qui est intéressant c'est le "est", car tous les "Ceci" existent à leur façon propre, la vache à la manière de la vache, Maurice à la sienne et moi à la mienne. Entre nous j'en suis même fier de ma façon d'exister car elle est unique, et parfois même je radote : "C'est moi, respectez-moi, nia nia nia…"… C'est vrai, on est tous un peu jaloux de sa manière d'exister, non ? Moi je trouve qu'avec ça on est même parfois franchement assommant !

 

Ce qui est intéressant c'est de voir que dans le jugement d'existence "Ceci est" on peut accentuer soit le "Ceci" soit le "est", autrement dit on peut souligner le "est" comme relatif à "Ceci " ou le "Ceci" comme relatif à "est".

 

Je ne sais pas si tu as entendu parler de Jacques Maritain et de sa femme Raïssa, qui, à cause de la diversité des "Ceci", évoquait "l'intuition de l'être". C'est un raccourci dangereux car l'intuition de l'être n'est pas la saisie de l'être, et personnellement je n'ai l'intuition de rien du tout à ce propos. Enfin si, je note qu'il y a une diversité des "Ceci" et une unité du "est", l'intuition consistant alors à saisir une certaine unité dans la diversité, donc à établir une relation qui fait apparaître "est" commun à tous les "Ceci". En ce sens c'est une certaine "intuition" de l'être, mais il faut aller plus loin et interroger carrément "Qu'est-ce que c'est que est ?", puisque justement on saisit qu'à travers tous les jugements d'existence il y a quelque chose de commun. Il s'agit donc de mettre ce qui est commun en lumière sans tortiller du neurone ! Hop, je fais passer "est" à l'infinitif, j'obtiens "être", et en même temps je remarque que j'ai maintenant un substantif : l'être. C'est extraordinaire non ? Même avec toi je ne pourrais faire une chose pareille… Regarde, Ino, "être" à l'infinitif a un mode nominal, l'être, et je peux maintenant faire des phrases en qualifiant l'être comme ça me botte : l'être est infini, l'être est bleu, l'être est obscur… et on comprend ce que je raconte ! Pas mal, non ? Ça commence à avoir de l'allure !

 

"Qu'est-ce que l'être ?" : la philosophie première commence réellement avec cette interrogation. Tant qu'on reste au jugement d'existence lui-même sans poser cette interrogation, on reste planté devant un fait ou un donné, donc devant un obstacle, tandis que dès qu'on interroge "Qu'est-ce que l'être ?", le "Ceci" passe derrière et devient relatif à l'être. Dès lors on regarde l'être pour lui-même et en tant qu'il est.

 

Donc du point de vue de l'existence, l'être contient en lui-même la signification de tous les "Ceci"… Mais alors qu'est-ce précisément que cette signification ? Comme disait je ne sais plus qui "L'être est un sac de pommes de terre…" parce qu'il contient tous les "Ceci" ! Oui, mais là le piège c'est de considérer l'être comme un fourre-tout. Il y a quelque chose de vrai, évidemment, comme dans toute erreur, car les "Ceci" sont ordonnés à l'être qui d'une certaine façon contient la signification de tout "Ceci", de la vache à moi en passant par Maurice, toi ou l'Olympia, autrement dit l'être contient les différentes modalités d'existence des "Ceci", mais ça c'est l'intuition qui passe du "Ceci" à "est", pas encore l'être lui-même !

 

Résumons… Dans "Ceci est" il y a le sujet et le verbe, le verbe étant toujours relatif au sujet. On voit que si l'on ne va pas plus loin qu'une philosophie du langage, le verbe reste relatif au sujet et ne lui ajoute rien. C'est pour ça que les philosophes du langage considèrent comme une seule et même chose le fait de dire "Ceci" et "Ceci est"… On en revient à la copule ! C'est tout de même gros de commettre une erreur de ce calibre, mais encore une fois c'est parce qu'on reste au niveau quidditatif et donc on gomme "est"… Pourquoi alors ne pas écrire un best seller, "Dieu sans l'être" puisqu'on s'arrête à la figuration et qu'il n'y a plus d'être au-delà de la représentation ! Tu ris mais ça a pourtant était fait.

 

Il faut bien voir cette espèce d'inversion entre le langage et la pensée. Pour le langage, on l'a souligné, le verbe est toujours relatif au sujet, mais la pensée, dans ce qu'elle a de tout à fait fondamental, aspire à l'être en tant qu'il est et regarde donc "Ceci" comme relatif à "est". Il faudrait même se demander pourquoi le langage implique cette inversion car on confond si facilement pensée et langage qu'on se ramasse comme des benêts en considérant le relatif comme absolu, par conséquent l'absolu comme relatif. D'ailleurs ramener la pensée au langage est la pire des erreurs, une destruction en règle de l'intelligence, sans parler du fait que seul le verbe permet de dépasser le positivisme puisque seul il est au-delà de la signification.

 

Le langage reste donc au niveau du conditionnement de la pensée et relève de l'aspect psychologique, non pas de la finalité de l'intelligence en acte. Et qu'est-ce qui finalise l'intelligence ? Le verbe être, justement ! Tandis que qu'est-ce qui conditionne l'intelligence ? C'est le "Ceci"… Là je pointe la confusion la plus radicale qui soit et qui est pourtant courante : on ne distingue pas le conditionnement et la finalité. Mais si la vie de l'intelligence reste liée à un conditionnement qui est le langage, elle ne vit vraiment qu'en le dépassant. C'est un point capital et c'est par là qu'on dépasse le "Il y a". Ne pas voir ça revient à ramener la finalité au conditionnement, ce qui concrètement conduit à remplacer la philosophie par la psychologie, et alors là c'est foutu, on stagne dans son vécu, punition assortie d'une longue période de mise à l'épreuve car on n'atteint jamais la réalité en tant qu'elle est.

 

Ainsi entre-t-on en métaphysique avant tout en regardant la finalité, autrement dit le bien de l'intelligence qui est l'être, et en formulant cette interrogation "Qu'est-ce que l'être ?", sinon on patauge indéfiniment dans les modalités de l'être, donc dans la représentation et le blabla habituel, tandis qu'au moment précis où elle demande "Qu'est-ce que l'être ?" elle prend du recul vis-à-vis de son conditionnement et devient libre de ses mouvements. Mais tu sais, Ino, comme disait Thérèse de Lisieux, pour empêcher un oiseau de s'envoler il n'est pas nécessaire de lui attacher un câble d'acier à la patte, un petit fil suffit ! Je précise ça car il y en a pas mal qui attachent à leur intelligence un câble d'amarrage calibré pour retenir un paquebot transatlantique à quai quand il suffit d'un petit fil en nylon pour fixer un aigle au sol… L'intelligence doit donc réellement se "détacher" de son conditionnement, c'est-à-dire aller au-delà de la psychologie et de la logique.

 

Revenons maintenant à cette interrogation "Qu'est-ce que l'être ?" et considérons un philosophe proche de nous, Martin Heidegger, qui se plaint qu'on a oublié l'être. Et voilà que sa philosophie tourne autour de la grande interrogation "Qu'est-ce que l'être ?" sans pourtant parvenir à entrer en métaphysique. Qu'a-t-il donc fabriqué ? En deux mots, il a confondu l'appétit de l'intelligence et l'intelligence elle-même, erreur qui ne manque d'ailleurs pas de panache car l'interrogation est à l'intelligence ce que le désir est à l'amour. Du point de vue affectif il est en effet juste de dire que le désir est ce qu'il y a de plus grand puisque si on ne désire pas on n'a plus envie d'avancer. Or l'amour veut toujours aller plus loin, sinon il meurt en s'étouffant lui-même. Tant qu'on a soif on n'est pas pharisien, mais dès qu'on n'a plus soif on joue les convenances, on bricole et on s'empêtre dans son passé. Le désir est un peu comme le vent dans les voiles : lorsqu'il tombe le bateau dérive lentement et on s'explique que tout est parfait, comme Rousseau proclamant "Je suis l'homme" et s'astiquant la postérité...

 

Par conséquent l'interrogation est l'appétit de l'intelligence, une soif de progresser et d'avancer vers le large, et de fait une intelligence qui n'interroge plus est une intelligence morte.

 

Ainsi Martin Heidegger interroge mais pour lui c'est le sommet, il ne va pas plus loin. Alors en quoi se trompe-t-il ? Souviens-toi de la façon dont nous en sommes venus à demander "Qu'est-ce que l'être ?", nous sommes partis des expériences qui mettent au contact de réalités existantes, autrement dit des "Ceci", donc de la vache, de moi, de Maurice… de ce qu'Heidegger appelle les "étants". Notons au passage le participe présent substantivé du verbe être car Heidegger était très sensible au langage… tellement qu'il ne l'a pas dépassé ! Il n'a pas su s'extirper du conditionnement et en a oublié la finalité. Maintenant regarde bien, Mademoiselle Ino : puisque les "étants" sont ce qu'étudient les sciences, c'est-à-dire ce qui est mesurable, Martin Heidegger en a conclu qu'il fallait néantiser les étants pour que surgisse l'être en tant qu'il est. Tu vois un peu l'aspect dialectique de la démarche ? Martin Heidegger oppose les étants à l'être… mais qu'est-ce qui reste si on nie les étants ? Eh ben tiens, il reste l'être dans la pensée ! L'être n'est donc plus saisi objectivement mais comme ce qui est dans la pensée et Martin Heidegger s'emprisonne lui-même dans une subjectivité transcendantale sans plus pouvoir retourner à la réalité. Au début il part très fort, furieux qu'on ait oublié l'être, et puis voilà qu'il néantise les étants pour faire émerger l'être… Mais l'être est au-delà de la pensée ! C'est même la pensée qui est relative à l'être, pas du tout l'être à la pensée. On peut même dire que l'intelligence est faite pour l'être !

 

Pour se dégager de là il faut revenir aux réalités existantes et aux expériences puisque ce sont elles qui nous ont conduits au jugement d'existence, mais il s'agit d'y revenir en formalisant l'interrogation "Qu'est-ce que l'être ?". Ainsi quand on repose le jugement d'existence "Ceci est" à la lumière de l'interrogation "Qu'est-ce que l'être ?", on met l'accent sur "est" et non pas sur "Ceci", c'est-à-dire qu'on extirpe le verbe "être" du jugement d'existence.

 

Question : Pourquoi peut-on faire ça alors qu'Heidegger prétend que c'est impossible ?

 

En réalité le passage de "Ceci est" à "Qu'est-ce que l'être ?" est analogue au passage de "Ce mur est blanc" à "Qu'est-ce que la blancheur ?"… C'est ça la petite clé manquante pour mettre le contact et décoller, sinon on tire indéfiniment sur le démarreur et rien ne se passe... Alors pour se consoler on imagine ce qu'il y a à voir depuis là-haut et comme ça doit être beau. Remarque, tu me diras que ça aurait le mérite de mettre un point final à la métaphysique ! Eh bien non, Ino, si on constate "Ce mur est blanc" et qu'ensuite on interroge "Qu'est-ce que la blancheur ?", ça n'est pas terminé, au contraire, on commence à rouler sur la piste avec les réacteurs plein pot !

 

Partie de "Ceci est", maintenant que tu as passé les obstacles, tu peux tranquillement poser la question "Qu'est-ce que l'être ?" et continuer à chercher ce qu'il est tel qu'il est : l'être en tant qu'être.


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